mardi 10 novembre 2009

Heureux les imbéciles

Poème trouvé au détour d'un surf sur la toile, sur le blog de L'OuRs, alias Christophe BONNARD, l'auteur.
Dédicasse au malheureux inconnu ;)


Heureux les imbéciles qui jamais n'ont souffert

Pour qui nulle question n’est douleur ou chagrin

Heureux qui plus ne pense qu’aux beautés de la terre

Heureux pour qui seule compte la lueur des matins


Je dédis ces paroles à tous ces ignorants

Qui goûtent en chaque chose le bonheur d’être ici

Qui ne se soucient guère que du moment présent

Jamais il ne se plaignent ni jamais ne s’ennuient.


Las, moi qui réfléchis, je suis bien malheureux

Les pourquoi, les comment, prennent ma vie entière

Si bien qu’à force de croire pouvoir répondre au mieux

Peu à peu se transforme ma vie en bloc de pierre.

Mon âme se meurtrit chaque jour plus encore,

Mon esprit envahit peu à peu ma raison

Et mon cœur s’endurcit à chaque heure, et la mort,

Emporte tout mon être en rongeant ma passion.


Heureux les imbéciles car ils ne savent pas

Et ne cherchent à savoir en nulle chose le comment

Heureux les imbéciles ignorants du pourquoi

Car ils ont au fond d’eux le bonheur innocent.

A quoi bon, aussi douce que puisse être la vie,

La gâcher chaque seconde par bien trop de pensées,

Lors même qu’on peut la vivre, moi je la réfléchis

Et m’obstine à la voir sans l’avoir regardée,

Ou la regarde trop, sans la vivre vraiment.

Heureux les imbéciles qui vont, là, sans soucis,

Heureux le sombre idiot qui ignore ces tourments

Heureux les imbéciles, ils vivent à pleine vie.


Heureux les imbéciles ? Déjà, je vous entends…

Vos cris vociférants, mes chers frères ennemis

S’opposant à la thèse que j’expose à l’instant.

De vos intelligences, j’ose insulter le prix ?


Heureux les imbéciles, oui, je l’affirme haut,

Fort, clair et sans ambages, ne nous tourmentons point

Suivons donc tous ensemble, heureux, le sombre idiot

Ne nous y trompons plus, il montre le chemin.

Vous m’aviez bien appris lors que j’étais mouton

Le comment, le pourquoi, si bien que me voila

Qui retourne sans cesse toutes vos belles leçons

Sans plus pouvoir résoudre ni le comme ni le quoi

Le mouton devient loup et il hurle à la mort,

Il crie, il geint et pleure, lui auriez-vous menti ?

Dans vos bonne leçons, vous qui disiez alors

Tout le bien qu’à un être qui toujours réfléchit…

Vous aviez tort chers frères, aujourd’hui je le sais,

L’imbécile est heureux, je le dis de nouveau.

Le mouton grandissant qui sans arrêt pensait,

En y songeant mil fois voit la force de l’idiot.

Broutant dans un beau pré l’herbe verte du printemps,

Plantée là pas vos soins afin qu’il se repaisse,

Il marchait, avalait, mais s’aiguisait les dents,

Devenant loup méchant pour cacher ses faiblesses.


Heureux les imbéciles qui ignorent encore

Si l’on s’y prend trop tard quel futur les attend.

Heureux le sombre idiot qui ne sait pas et dort,

Tranquille dans la nuit en rêvant au présent.

L’imbécile peu ou prou ne voit aucune menace

Vous avez habitude de la bien maquiller,

Pourtant pèse sur son être chaque nuitée qui passe

Multitude de vos choses qui vont le transformer.

De tous vos sortilèges, il est dupe, le brave,

Bienheureux l’imbécile, il dort à vos côtés !

Jamais un de ses rêves nulle pensée n’entrave

Et vos chants éternels sont là pour le bercer…


Pour ma part, je ne dors qu’entre un ou deux chagrins,

J’ai écouté, docile, les mots de vos adeptes,

Puis les ai retournés, étudiés et faits miens,

Pour petit à petit engendrer mes concepts.

Non, je ne prétends pas avoir tout résolu,

C’est bien là mon malheur, j’ignore tout des choses,

J’ai par trop réfléchi, mon berger m’a déplu

J’attends d’en savoir plus pour la métamorphose.


J’ai les dents acérées du loup, mais de courage,

Pas une once bien hélas, j’ai le cœur de l’agneau.

La nature est mal faite, qui vous montre la page

Et referme le livre dès les trois premiers mots…

Le loup sommeille en moi, je dois le réveiller,

Ou comme l’imbécile qui dort auprès de vous,

Pour rester bienheureux, dois-je tout oublier,

Et là, contre-nature, l’agneau tuera le loup ;

Ou bien je laisse Loup prendre mon cœur et mon âme,

Je puis l’aider aussi à trouver le chemin,

Souffrir un peu encore du dilemme et du drame

Qui assaillent mes sens et me brûlent les mains.


Heureux les imbéciles qui n’ont pas à choisir.

Ils sont moutons bêlant dans de verts pâturages.

Heureux le sombre idiot qui ne sait réfléchir

Qui du loup, de l’agneau, a le plus d’avantages.


On peut croire que le loup hurle pour effrayer,

Point, messires, il a peur, c’est pour cela qu’il chante !

Il exulte ses faiblesses à moins le tourmenter,

Sa longue mélodie n’est que douleur méchante ;

Car il sait bien, le loup, loin de votre demeure,

Que de sa liberté vous portez grand mépris,

S’il vient à approcher, vous chasserez dans l’heure.

S’il vient à s’éloigner, vous chasserez aussi,

Poursuivrez ses petits, la horde et sa femelle,

Jaloux qu’il fût si libre hors de vos bons offices,

Le traître loup paiera la dîme et la gabelle ;

Et vous l’encenserez avant le sacrifice !


Heureux, l’idiot, heureux, qui ne pense donc à rien,

L’imbécile se croit libre, vous le lui laissez croire.

Le mouton dans son pré, levé chaque matin

Ne verra la barrière qu’à la tombée du soir.

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